Le chapitre de la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle a publié le 17 décembre 2015 une note sur son site internet destinée aux associations et organismes délivrant les crédentiales nécessaires à l’obtention d’un lit dans les auberges pour pèlerins et de la Compostela à l’arrivée à destination. « Aujourd’hui, nous acceptons plus de 25 modèles de crédentiales, dont les tarifs varient de la gratuité à une vingtaine d’euros. Certains les vendent également sur Internet. Un accueil pastoral, une attention toute particulière, et la gratuité doivent être les objectifs majeurs de notre présence sur le chemin et les objectifs du pèlerinage ». Forte de ce préambule, le communiqué officiel poursuit en stipulant que « la crédentiale de la cathédrale de Santiago doit être considérée comme l’unique valide. En outre, son prix ne pourra pas excéder deux euros ». Il semblerait que les autorités écclésiastiques compostellanes aient décidé de porter un coup d’arrêt aux dérives commerciales autour de ce précieux sésame : « la gestion de la crédentiale ne peut reposer sur des critères commerciaux ou de profit ».
J’ai moi-même constaté en septembre 2015 que certains offices du tourisme dans le Sud-Ouest de la France n’hésitaient pas à vendre le carnet du pèlerin jusqu’à 8 ou 9 euros, alors qu’un document strictement identique est délivré au bureau des pèlerins de Saint-Jean-Pied-de-Port pour la modique somme de 2 euros. En outre, lorsque la crédentiale est délivrée hors du circuit des associations de pèlerins et de l’église, l’identité et les motivations réelles du requérant ne sont pas systématiquement contrôlées. Au risque de se faire fusiller du regard et de recevoir quelques remarques désobligeantes, les accueillants du bureau de Saint-Jean-Pied-de-Port ont pour consigne de ne délivrer le carnet du pèlerin qu’en mains propres à ceux qui présenteront une pièce d’identité et qui partent à pied, à vélo ou à cheval. Car le laisser-aller dans la remise des crédentiales témoigne des dérives commerciales du « pèlerinage » vers Compostelle, et se traduit par l’affluence des « turigrinos » heureux de venir randonner et faire la fête à des tarifs défiants toute concurrence. Sans parler des groupes conduits par l’accompagnateur d’une agence de voyages, qui veulent le beurre et l’argent du beurre, la facilité mais aussi l’atmosphère et n’hésitent pas à venir dormir dans les auberges réservées initialement aux pèlerins à pied, à vélo ou à cheval, munis du précieux sésame. Je me suis déjà exprimée sur ce sujet. A chacun sa manière de cheminer, et je n’ai pas à prendre position sur un quelconque choix. Mais que l’on réserve les auberges aux pèlerins à pied, à vélo ou à cheval. Les clients des agences de voyage n’y ont pas leur place, ou du moins devraient attendre que tous les autres soient certains d’obtenir un lit avant d’être pourvus. En outre, des documents spécifiques ont été conçus pour cette catégorie de pèlerins, qui effectuent généralement chaque jour une partie du trajet à pied, et l’autre en bus, et la crédentiale ne leur est pas destinée.
L’archevêché de Saint-Jacques précise que « si une association ou un organisme souhaite personnaliser la crédentiale officielle, il sera possible de laisser un espace vierge, qui, moyennant l’accord de l’office d’accueil des pèlerins, pourra être personnalisé sans contredire toutefois l’esprit chrétien du pèlerinage. L’office des pèlerins de la cathédrale se chargera de l’impression des documents ».
Pour ne pas causer de préjudices aux organismes délivrant des crédentiales différentes, les autorités de la cathédrale leur ont accordé un moratoire. La nouvelle règle n’entrera en vigueur que le 1er avril 2016. « A partir de cette date, seules les crédentiales officielles de la cathédrale seront admises pour la délivrance de la Compostela ».
Qu’en sera-t-il pour les associations étrangères habituées à délivrer leurs propres crédentiales ? « Elles seront régies par un accord spécial ». Le communiqué et les articles publiés ne précisent par les termes de cet accord. Même si les autorités compostellanes considèrent accorder un moratoire aux associations émettrices de carnets du pèlerin, on peut cependant s’interroger sur le faible délai qui leur est concédé pour écouler leurs stocks. L’hiver est une saison creuse, et il ne faut guère compter sur cette saison pour se débarrasser de documents qui seront obsolètes dès le début de la haute saison, dans moins de quatre mois. En outre, certaines d’entre elles ont certainement pris les devants et procédé à la fabrication des crédentiales qu’elles escomptaient écouler en 2016…
Faisant suite à la proposition de la Fraternité Internationale du Camino de Santiago (FICS) d’augmenter la distance à parcourir pour se voir délivrer la Compostela, le chapitre de la cathédrale n’a aucune intention de souscrire à cette demande. Bégoña Valdomar, présidente de l’association galicienne des Amis du Camino de Santiago affirme, à cet égard, que le « problème ne réside pas tant dans le nombre de kilomètres minimal à parcourir que dans le fait que ce chemin est désormais présenté comme un « produit touristique . Si nous ne cessons de le vendre sous cette étiquette, la massification de la fréquentation du camino s’amplifiera ».
Sources :
http://catedraldesantiago.es/es/nota-credencial-peregrino-dic15