Antón Pombo vient de publier sur le site espagnol gronze.com une analyse des statistiques du bureau des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Je vous en propose la traduction des principaux éléments, en complément d’un précédent article contenant mon analyse des statistiques.
- 327.342 pèlerins ont reçula Compostela en 2018, soit 26.306 de plus qu’en 2017, en augmentation de 8,74%.
- En 2018, pour la première fois depuis que les pèlerins sont comptabilisés, plus de la moitié d’entre eux (52%) n’ont marché que sur le seul territoire galicien.
315 km en 2018 de moyenne par pèlerin
Le site a calculé le nombre moyen de kilomètres effectué par un pèlerin, de 2004 à 2018. S’il était de 472 km en 2006, il a depuis lors chuté d’année en année. Pour atteindre 332 km en 2017 et 315 km en 2018. Depuis 2012, le nombre moyen de kilomètres est descendu en dessous de la barre des 400 km. Lors des années jacquaires, il est résolument plus faible (344 km en 2004 et 327 km en 2010).
Séjours moins longs et plus économiques à Saint-Jacques-de-Compostelle
Le Centre d’études sur le tourisme de l’Université de Santiago souligne que les personnes qui séjournent dans la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle dépensent de moins en moins (moins 14€ par jour depuis 2005). La durée moyenne de séjour diminue également. 70,7% d’entre eux ne restent dans la capitale galicienne qu’un ou deux jours. Soit 10 points de moins qu’en 2005. Les pèlerins recherchent de plus en plus à s’héberger à moindre coût. Ils dorment dans des auberges, ressuscitant ainsi cette vision ancienne du pèlerin. Mais le « mochilero » (littéralement celui qui porte un sac-à-dos, backpacker en anglais), est peu intéressant pour les infrastructures visant un tourisme VIP.
Une mutation inexorable de la forme de cheminement ?
Les formes de voyages sont en train de changer. Influencées par les intérêts du marché, elles répondent à de nouveaux critères : activité courte, consommation rapide, moins bénéfique pour l’utilisateur. Ceci est pratique pour un système qui ne s’intéresse pas aux grands voyages, aux expériences uniques de la vie ou aux innombrables circuits recouverts de spiritualité et d’austérité. Comme c’était le cas à l’époque du Camino de Santiago. D’où la multiplication de la courte distance. L’aide à l’élimination de toute charge physique ou mentale. La mode des 100 km guidée à court terme par la cathédrale et la Xunta (rappelez-vous les photos récentes de l’archevêque et du président du gouvernement galicien avec le pèlerin 300 000). La prolifération de variantes amicales sur le front de mer par des plages et des promenades. Et la transformation progressive du Camino de Santiago en un produit du tourisme de masse, à digérer rapidement et à oublier au plus vite, car il faut se concentrer sur le prochain achat.
Les principales tendances du camino de Santiago 2018 relevées par gronze.com
- Porto devance Saint-Jean-Pied-de-Port pour la première fois comme point de départ.
- Le nombre de personnes entamant leur chemin à Sarria continue d’augmenter (un point par rapport à 2017), avec 27% du total en 2018.
- Le nombre de pèlerins partis de Ponferrada, Astorga, León, Burgos ou Pampelune est en baisse.
- Le chemin dont la fréquentation a le plus augmenté est le Caminho Portugués de la Costa, suivi du Camino Inglés.
- La fréquentation du Camino Francés continue de chuter, et passe pour la première fois au dessous de la barre des 60% (56,88% en 2018).
Nota : Le bureau des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle a comptabilisé 26839 personnes en provenance de Porto par le Chemin portugais intérieur et 6148 personnes en provenance de Porto par le Chemin portugais de la côte. Soit un total de 32987 ayant choisi Porto comme point de départ. Ce qui fait dire à l’auteur que Porto devance désormais Saint-Jean-Pied-de-Port (32899 en 2018). Ce qui est vrai en valeur absolue. Mais il faut tout de même noter que 5541 personnes sont parties de Roncevaux, 27 km après Saint-Jean-Pied-de-Port. Si l’on cumule les deux, on obtient un total de 38840 personnes, en tête devant Porto.
La Galice exulte, La Rioja et Castille-et-León s’inquiètent
Déjà en juillet, la Rioja constatait le déclin du nombre de pèlerins par rapport à l’année précédente (-30% à Grañón par rapport à l’année précédente). Un effet de la Coupe du monde a même été évoqué.
De son côté, le Centre d’études et de documentation du Camino de Santiago, basé au monastère de San Zoilo de Carrión de los Condes, confirme la crise du Chemin français dans la province de Palencia. Des marcheurs moins expérimentés évitent cette zone entre Burgos et León depuis des années. En 2018, le nombre de pèlerins a été inférieur de 6,3% par rapport à 2017, avec une diminution cumulée de 9% en deux ans. Les propriétaires d’auberges situées entre les Pyrénées et le Bierzo commencent à se décourager.
Premières conclusions de l’auteur en attendant les statistiques définitives
La tendance paraît claire. Le chemin millénaire et international longue distance se convertit progressivement en une expérience galicienne, courte, facile, abordable. Et dénuée du caractère d’aventure, de spiritualité et de profondeur qu’elle revêtait naguère. Le marché a attiré le camino dans ses filets. L’équilibre a déjà été rompu entre les deux manières de concevoir le pèlerinage. On assiste à la victoire de la vision vaporeuse, commerciale, éphémère d’une expérience à laquelle on n’accorde plus l’importance qu’il se doit.
Source : Tendencias del Camino de Santiago: Récords y otras medias verdades – Antón Pombo – Voir l’article original en espagnol ICI