Au service des candidats au départ au bureau des pèlerins de Saint-Jean-Pied-de-Port
Certains se plaignent encore lorsqu’ils doivent payer quelques euros pour se loger sur les chemins de Compostelle. Voire, se contentent de déposer quelques piécettes cuivrées lorsqu’une auberge s’affiche en « donativo ». Certains ne peuvent, en effet, se permettre de faire mieux. Mais d’autres considèrent que le « pèlerin » n’a que des droits, et surtout pas de devoirs.
Le droit de cheminer gratuitement sans jamais se rendre compte que, justement, si on peut lui offrir un logement à des tarifs aussi bas, tout particulièrement en Espagne, c’est parce que les municipalités, les départements (ou provinces en Espagne), les associations… ont investi dans l’acquisition, l’équipement, la mise aux normes, la réhabilitation de locaux transformés en auberges pour pèlerins. En outre, d’anciens pèlerins, marqués par ce qu’ils ont reçu sur leurs chemins, souhaitent donner à leur tour afin de faciliter la pérégrination des futurs marcheurs. Une loi universelle, en somme. Je reçois, je donne, je reçois à nouveau, je donne à nouveau.
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Le jour se lève à Saint-Jean Pied de Port
6h30. Bureau des pèlerins de Saint-Jean-Pied-de-Port. 39, rue de la Citadelle. Les réveils des accueillants retentissent à tour de rôle au premier et deuxième étages de l’immeuble. En cette 34e semaine de l’année, nous sommes 5. Trois femmes. Deux hommes. Maria et Maïté sont espagnoles. La première de Madrid. La seconde de Portugalete, près de Bilbao. Je viens de ma Bretagne natale. Yves est Québécois. Il donne une semaine de son temps de vacances depuis 4 ans à l’association des amis de Saint-Jacques des Pyrénées-Atlantiques (64) pour accueillir les candidats au départ venus du monde entier. Alain fait presque figure de régional de l’étape. Il habite près de Dax.
Et bien sûr, nous devons saluer les piliers du bureau, sans lesquels point d’accueil ni d’aide aux pèlerins. Je veux parler de Jean-Louis et Monique. Le premier est le responsable du bureau. La seconde gère le planning des bénévoles. Tous deux sont des membres très actifs de l’association des Pyrénées-Atlantiques.
Responsable 365 jours sur 365
Jean-Louis gère toutes les situations que les équipes de bénévoles ne savent pas prendre en charge. Il est joignable, non pas 24h sur 24, mais presque. En effet, le bureau est ouvert de 7h30 à 22h30…ou plus, en fonction du nombre de personnes arrivées au dernier train en provenance de Bayonne. Il nous est arrivé de fermer à minuit ou une heure du matin afin de nous occuper correctement de plus de 50 personnes débarquées à 22h30. Monique, quant à elle, lance en octobre un appel aux bénévoles pour l’année suivante.
Le bureau est ouvert toute l’année, sans exception. Certes, il tourne au ralenti pendant l’hiver, avec seulement deux accueillants. Un nombre qui s’élève à 5 en haute saison, comme en mai et en septembre. Il n’est pas rare que Monique ait à faire face à des désistements de dernière minute. Elle doit alors puiser dans son vivier de bénévoles de la région qui remplaceront les absents au pied levé. Sans l’investissement inconditionnel du couple, les « apprentis pèlerins » débarquant des 4 coins du monde ne trouveraient pas l’écoute que leur offrent les accueillants, souvent dans leurs langues respectives.
Des novices vite dans le bain
Nous nous sommes rencontrés il y a 3 ans. Alain et moi étions des novices. J’étais arrivée la veille. Je savais un peu à quoi m’attendre. Mon amie Marie, rencontrée lors de mon premier chemin, avait tenté l’expérience un an plus tôt. Et avait rempilé l’année suivante, malgré une immense fatigue liée au passage de 2500 personnes par semaine en haute saison. En cheminant pour la première fois du Puy-en-Velay à Saint-Jacques de Compostelle en 2012, j’avais vite compris que moi aussi, un jour, je proposerais mes services comme hospitalière dans une auberge ou accueillante dans un bureau d’information pour les pèlerins. L’occasion a fait le larron. Je me suis donc présentée à l’équipe précédente le 28 août 2015.
Denis, Antoine, José et les autres…
Denis, Antoine, José et les autres m’ont accueillie avec générosité et bienveillance. J’ai observé leur travail. Ils ont pris le temps de m’en expliquer diverses facettes. Et m’ont lancée dans le grand bain : « tu veux savoir comment on fait, et bien…tu vas t’occuper du pèlerin qui se présente ». Je n’ai pas eu le choix. Mais il valait mieux m’y atteler en leur compagnie que livrée à moi-même après leur départ. Monique veille toujours à mélanger les néophytes à des accueillants expérimentés.
Mais lorsque vous vous retrouvez avec 50 ou 100 personnes dans le bureau, vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes. Le bureau était un peu plus calme le matin. Denis m’a donc gentiment emmenée faire un tour de la ville, pour repérer ce que nous allions ensuite expliquer : l’emplacement des auberges, les distributeurs de billets, la poste, la gare, les médecins, le camping, la gendarmerie, les magasins de sport et de randonnée, les restaurants, etc.
Equipe sortante, équipe entrante
Lundi midi. Chaque semaine, Jean-Louis et Monique viennent à Saint-Jean-Pied-de-Port pour la passation de pouvoirs et surtout de consignes entre l’équipe sortante et l’équipe entrante. À l’occasion d’un déjeuner commun, nous échangeons sur la semaine écoulée, transmettons des informations à l’équipe suivante, écoutons les consignes de nos « chefs », formulons des suggestions de fonctionnement. Jean-Louis et Monique s’occupent aussi des fournitures : du café et de la confiture pour le petit déjeuner au réencrage des tampons, du papier essuie-mains des toilettes à l’impression des fiches d’information manquantes…13h20. L’équipe sortante rappelle à celle de relève que l’ouverture du bureau est imminente.
L’heure du gong
Nous entendons les discussions animées des marcheurs à la porte du bureau. 13h30. En haute saison, on les compte par dizaines. Nous prenons place. Chacun a sa façon d’organiser sa table, de préparer les documents à distribuer pour être efficient. Un accueillant ne se contente pas, comme certains pourraient le croire, de tamponner les credencials.
Notre mission consiste à informer le pèlerin sur la première étape vers Roncevaux, sur le camino francés ou les autres chemins (une voie de liaison peut les conduire jusqu’à Hendaye, d’où ils rejoindront la camino del Norte), à leur délivrer des documents sur les hébergements (camino francés ou, depuis cette année, camino del Norte), sur la première étape (avec les mises en garde sur les points d’eau, les zones de vigilance…). Des fiches ont été rédigées dans de nombreuses langues : français, anglais, italien, espagnol, allemand, néerlandais, portugais, polonais, coréen, mais aussi croate, suédois, chinois…
Une équipe complémentaire et soudée
Nous nous sommes retrouvés pour la 3e fois en cette fin août 2017. Nous sommes sur la même longueur d’onde, dans notre façon d’appréhender notre mission. Dans notre conception de la vie. Jusqu’à notre alimentation. Nous formons une équipe très complémentaire et très soudée. Ce qui nous avait permis la première année de terminer la semaine sans encombre, alors que nous avions géré 2500 pèlerins dans la semaine, avec toute la difficulté à trouver des lits pour ceux qui arrivaient tard. Jean-Louis nous avait d’ailleurs confié que si nous n’avions pas été unis, notre équipe aurait explosé en vol, sous la pression du nombre, et ivres de fatigue à la fin de la semaine.
Nous ne sommes pas des professionnels, mais nous y mettons tout notre cœur. Nous sommes tous pèlerins récidivistes. À ce titre, comme sur le chemin, nous ne laissons jamais un pèlerin dans la peur, l’angoisse, l’interrogation. Certains ne demandent qu’un tampon sur leur credencial, parce qu’ils sont pressés, expérimentés, en fin de parcours. Mais beaucoup débarquent des 4 coins du monde : Amérique du Nord, Afrique du Sud, Corée, Chine, Japon, Lettonie, Pologne, Hongrie, Suède, Indonésie, Brésil, Guatemala, Liban, Philippines, Nigeria, Tanzanie, Kazakhstan, Russie…
Le rêve d’une vie
Certains ont économisé des années avant de se retrouver face à nous, des étoiles dans les yeux, se pinçant pour prendre conscience qu’ils sont arrivés et en passe de réaliser leur rêve. Nous voyons défiler toute la palette des émotions humaines, manifestées dans toutes les langues et selon les codes comportementaux de chaque peuple. De l’excitation à l’extase, de la peur à l’angoisse, de l’agacement à l’impatience.
Comme le disent certains hébergeurs : « vous êtes les premiers filtres ». Combien de fois avons-nous vu entrer des visages solitaires témoignant l’angoisse d’avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres et de s’élancer sans le moindre compatriote dans un inconnu de 800 kilomètres, sans parfois connaître un seul mot d’espagnol, de français ou d’anglais ?
Donner confiance
Alors, nous tentons de leur donner confiance. Les sourires, l’écoute, la chaleur humaine, la bienveillance font leur œuvre. Il n’est pas rare que nous passions plusieurs dizaines de minutes avec certains d’entre eux. Notre cœur est au diapason de notre conception de notre mission lorsque celui qui était entré la mine apeurée, le dos courbé, ressort bien droit et le visage souriant, les yeux brillants de confiance retrouvée. Dans ces moments si précieux, nous avons la sensation d’être à notre place, de rendre un vrai service à celui qui avait juste besoin d’un petit coup de pouce pour se dire qu’après tout, lui aussi, allait pouvoir concrétiser son rêve.
Pas le temps de manger le premier jour
Alors notre fatigue s’estompe. Et jour après jour, lorsque notre réveil sonne, nous nous levons avec entrain. Alain est le plus matinal. Il ouvre le bureau au petit matin, et accueille ceux qui n’ont pas eu le temps de passer nous voir la veille. Les matinées sont plus calmes. Moins de trains en provenance de Bayonne. Moins de bus. Nous pouvons parfois nous échapper pour quelques emplettes, car nous devons aussi penser à la préparation de nos repas. Maïté aime nous confectionner des plats. D’autres prennent le relais. La première année, nous nous étions laissés déborder par l’arrivée discontinue de pèlerins.
Le lundi soir à 22h, nous n’avions toujours pas dîné, et avions frisé l’explosion. Cela nous avait servi de leçon. Bénévoles, nous n’en sommes pas moins Hommes, avec une nécessité de pauses réparatrices et nourricières. À l’approche de nos horaires de fermeture pour cause de repas, nous savons désormais refuser l’entrée de nouvelles personnes. À l’heure dite de fermeture, nous avons encore souvent une dizaine de personnes dans le bureau dont nous nous occupons comme les autres, sans nous presser.
⇒ Rendez-vous la semaine prochaine pour la deuxième partie de l’article !
Pour en savoir plus sur les modalités pour devenir accueillant au bureau des pèlerins de Saint-Jean-Pied-de-Port, je vous invite à lire l’article en cliquant ICI
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Copyright Fabienne Bodan & https://pelerinsdecompostelle.com
Je trouve votre site très bien
Merci beaucoup pour vos encouragements. N’hésitez pas à le faire connaître ! Amitiés jacquaires, Fabienne
Bonjour J’ai trouvé votre site tout à fait par hasard en peaufinant et continuant mes reherches pour effectuer l’an prochain mon chemin de aire sur adour à santiago voire fisterra (si mes pieds me le permettent)
Je n’ai aucune notion d’espagnol et suis un peu anxieuse de prendre la route vers l’espagne. Donc, me voilà, sans doute pour me rassurer et avoir la force de continuer.
Bonjour Cécile. N’ayez aucune crainte, il y a beaucoup de pèlerins sur le camino francés parlant de nombreuses langues. Le chemin est très bien indiqué, vous ne risquez pas de vous perdre. Il y a de nombreux guides bien faits. Je vous invite à passer voir mes collègues du bureau des pèlerins qui vous donneront une liste actualisées des hébergements et des conseils très utiles pour monter à Roncevaux et pour parcourir le camino francés. J’espère vous avoir rassurée. Amitiés jacquaires, Fabienne Nb : je vous invite à lire un certain nombre d’articles de ce site, ils vous aideront à préparer votre chemin.
Merci beaucoup pour votre réponse et votre réactivité je ne manquerai pas de vous tenir au courant si je rencontrais un quelconque problème au cours de mes recherches.
Mais pourrais-je « raccrocher » une ou un pelerin pelerine afin de ne pas avoir à marcher seule ? depuis Roncevaux ?
Merci
Bonjour Cécile
Vous rencontrerez vite d’autres pèlerins. Beaucoup partent seuls, comme vous. N’ayant pas peu de marcher seule, vous croiserez très souvent d’autres pèlerins et les retrouverez le soir à l’étape. Amitiés jacquaires et buen camino, Fabienne
Bonjour,
selon vos infos, pouvons-nous nous engager sur le camino à partir de Fromista jusqu’à Fistéra ? tenant compte de la Covid. Hébergements, mesures sanitaires, restauration… Merci de votre réponse.
Bien cordialement.
Serge Chansellé