Le 13 décembre 2015, troisième dimanche de l’Avent, à 17 heures, sera ouverte la Porte de la Miséricorde de la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle. Le diocèse de la capitale galicienne célèbrera lors de cette cérémonie l’entrée dans l’année sainte extraordinaire de la miséricorde annoncée le 13 mars 2015 par le pape François, jour anniversaire de son élection du 13 mars 2013 et confirmée par sa bulle d’indiction du 11 avril 2015. Cependant, la cérémonie d’ouverture demeurera sobre et n’aura rien à voir avec celle qui prévaut lors des années jacquaires. La Conférence épiscopale espagnole a élaboré un rituel simple qui sera appliqué dans toutes les cathédrales de la péninsule ibérique.
En effet, cette Année Sainte de la Miséricorde, convoquée par le souverain pontife du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016, diffère totalement des années jacquaires ou jubilaires compostellanes. Ces dernières ont lieu, rappelons-le, lorsque le 25 juillet tombe un dimanche, « en mémoire, selon le site de la Fondation David Parou, de ce que la découverte du tombeau de saint Jacques fut faite un dimanche…ce qui reste une hypothèse ». Soit à un rythme immuable de 4 fois tous les 28 ans, selon des cycles répétitifs de 6-5-6-11 ans. La dernière année jacquaire remonte à 2010, les précédentes à 2004 et 1999. La prochaine aura lieu en 2021, soit 11 ans après celle de 2010. Dans son article intitulé « qu’est-ce qu’une année jacquaire », la Voz de Galicia rappelle que «lorsque cela arrive (14 fois par siècle), l’Église catholique a le pouvoir d’accorder l’indulgence plénière aux fidèles qui se rendent en pèlerinage au tombeau de l’Apôtre en la cathédrale de Saint-Jacques, prient aux intentions du Souverain Pontife, reçoivent les sacrements de la confession et de la communion et assistent à la sainte messe ».
Ces jubilés attirent les pèlerins en masse : 272 135 en 2010, en augmentation de 86,55% par rapport à l’année précédente ; 179 944 en 2004. La fréquentation chute drastiquement l’année suivante : 183 366 en 2011, en recul de 32,61% ; 93 924 en 2005, soit 47,80% de moins que l’année précédente. Il convient de noter que la proportion d’espagnols est plus élevée lors des années jubilaires : 69,12% en 2010 et 76,23% en 2004, alors que le pourcentage d’ibériques oscille sur 10 ans entre 48,52 % et 56,35% du nombre total de pèlerins enregistrés au bureau de Saint-Jacques de Compostelle. Fin novembre 2015, on dénombre 260 396 cheminants ayant rallié la capitale galicienne depuis le 1er janvier. Qu’en sera-t-il en 2016 lors de cette année sainte imprévue ? Les capacités d’accueil sur les différents chemins résisteront-elles à une affluence supplémentaire ? Ou bien les candidats au pèlerinage décideront-ils de fuir ces caminos par trop encombrés ?
Habituellement, l’année jacquaire est inaugurée le 31 décembre précédent, par la cérémonie d’ouverture de la Porte Sainte, située sur la place de la Quintana, du côté opposé à celle de l’Obradoiro. « L’archevêque de Compostelle frappe à l’aide d’un marteau en argent trois fois la cloison qui mûre cette porte donnant sur la praza da Quintana. La cloison symbolise la dureté du Chemin. De cette manière, les fidèles demandent à l’apôtre saint Jacques la permission d’entrer. Ensuite, la porte tombe. » Par la porte en fer forgé visible de l’extérieur, on pénètre dans une petite cour, avant de parvenir à la porte sainte par laquelle on accède à l’abside. Cette porte demeure ouverte pendant 12 mois, pour être ensuite refermée jusqu’à la prochaine année jubilaire. L’apôtre Saint Jacques trône au dessus de la Porte Sainte, entourée de ses deux disciples Athanase et Théodomir. 24 statues du XIIe siècle, d’apôtres, de patriarches et de prophètes, encadrent cette porte dite du pardon. Elle furent récupérées du choeur en pierre de maître Matteo. La porte sainte figure parmi les 7 plus petites de l’édifice. Elle est consacrée à Saint Pelage (Pelayo en espagnol), martyre torturé à mort en 925 par les musulmans à Cordoue en Andalousie, à l’âge de 13 ans. Le monastère des bénédictins de Saint-Pélage d’Anteatares, en face de cette porte, lui est dédié.
Alors c’est du côté de Rome qu’il faut chercher une explication. Le premier jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le pape Boniface VIII. Le successeur de Saint-Pierre prévoyait un jubilé par siècle. Dante, Giotto, Charles de Valois, frère du Roi de France, figurèrent parmi les pèlerins de cette première année sainte. Initialement prévu 100 ans plus tard, le jubilé suivant eu lieu en 1350. On rajouta la visite de la basilique du Latran à celles de Saint Pierre et de Saint Paul Hors-les-Murs. Plus tard, le pape Urbain VI décida de fixer l’échéance à 33 ans, temps de vie terrestre du Christ. En 1470, Paul II établit la périodicité du jubilé « ordinaire » tous les 25 ans. 26 se sont succédés depuis le premier en 1300.
En revanche, un jubilé extraordinaire est convoqué à l’occasion d’un événement remarquable : en 1933, pour le XIXe centenaire de la rédemption, en 1983 pour les 1950 ans de la rédemption. Le pape François, dans sa bulle du 11 avril 2015, explique la convocation de cette année sainte extraordinaire : « Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché. Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.»
Le souverain pontife ouvrira la porte sainte de la basilique Saint-Pierre le 8 décembre 2015, jour de la fête de l’Immaculée Conception et du cinquantième anniversaire de la fermeture du Concile Vatican II, le 8 décembre 1965. Rappelons que ce Concile fut ouvert à Rome par le pape Jean XXIII le 11 octobre 1962. Le rite d’ouverture de la Porte Sainte exprime le symbole que, durant le jubilé, un «parcours extraordinaire» vers le salut est offert aux fidèles. Le dimanche 13 décembre, la porte sainte sera ouverte dans la cathédrale de Rome de Saint Jean de Latran, puis celle des deux autres basiliques papales de Saint Paul Hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure. De même « toutes les cathédrales ou églises d’importance particulière et sanctuaires devront ouvrir une « Porte de la Miséricorde » durant l’Année sainte ». Cette année jubilaire sera clôturée le jour de la fête du Christ-Roi, le 20 novembre 2016.
2016 sera décidément marquée par des événements exceptionnels. Saint Gilles du Gard, sur la voie d’Arles, fêtera les 900 ans de son abbatiale inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Les festivités débuteront le 3 avril et se poursuivront l’été durant, avec en point d’orgue le 27 août, l’accueil des pèlerins de France et d’Europe. La cathédrale Notre Dame du Puy-en-Velay fêtera son jubilé du 25 mars au 15 août 2016. Il en va ainsi lorsque le 25 mars, jour de l’annonciation (conception du Christ selon l’esprit saint), coïncide avec le vendredi saint (mort du Christ sur la croix). En 2005, le précédent jubilé avait attiré 250000 pèlerins, venus implorer « le grand pardon ». Pour le suivant, il faudra attendre…2157. Enfin, les reliques du sang du pape Jean-Paul II seront installées de façon permanente dans la chapelle des reliques de la cathédrale le dimanche 13 décembre 2015. Au point de départ (Le Puy-en-Velay) comme à l’arrivée (Saint Jacques de Compostelle), les pèlerins répondront-ils présents à l’appel, en quête du grand pardon et de miséricorde ? Ou diffèreront-ils leurs projets, par crainte d’un surencombrement sur les chemins et dans les structures d’accueil ?
Sources :
http://www.catedraldesantiago.es/sites/default/files/pdf/El%20camino%20de%20la%20misericordia.pdf
http://caminodesantiago.lavozdegalicia.com/fr/quest-ce-quune-annee-jacquaire/
http://www.saint-jacques.info/anneesaintes.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cathédrale_de_Saint-Jacques-de-Compostelle
http://www.jubiledupuyenvelay2016.cef.fr/jubile-du-puy-en-velay-2016/les-jubiles-dr18.html
Merci pour ce partage très intéressant et complet.
La question est alors: partir ou pas en 2016 ?
Ultreia
Serge
Merci de votre appréciation, Serge. Chacun détient sa propre réponse, je crois. Et il reste encore un peu de temps pour décider. De mon côté, je n’ai pas encore pris de décision, je viens à peine (depuis le 7.11) de rentrer de Santiago ! Mais de nombreuses idées me trottent dans la tête ! Amitiés pèlerines, Fabienne
il est vrai qu’il existe un risque de surencombrement sur les divers chemins qui vont à saint jacques de Compostelle .Mais j’ai pris ma décision, 2016 sera l’année ou je ferais le chemin en diagonale espagnole, avec comme point de départ Valencia sur le Camino dè lèvantè jusqu’à Murcia et la boucle de Fisterra. Je garderai à l’esprit que c’est une année extraordinaire et que mes souffrances à venir ne seront pas veines.
En effet, ce n’est pas forcément une raison de s’abstenir de partir sur les chemins de pèlerinage. Sur le camino du Levante, vous ne devriez pas rencontrer foule. Je vous souhaite de bons préparatifs et par avance, une belle année 2016 et un bien camino au départ de Valencia ! Amitiés pèlerines, Fabienne
Je vous souhaite un superbe voyage sur le Camino dè Lèvantè. Vous allez retrouver le cœur de l’Espagne avec ses grands espaces et ses multiples couleurs aux tons chauds où vous en verrez pas les limites. Que de bons souvenirs dans ce pays lorsque j’apprenais la langue.
‘Nous éprouvons des sentiments divers et nous marchons et nous espérons, nous cherchons à comprendre……’
Je vous souhaite une merveilleuse aventure. Christine
Bonjour,
Mon mari et moi avons marché depuis la Belgique jusqu’à Saint Jacques de Compostelle en 2014
En septembre 2015, nous avons accueilli les pélerins francophones durant la première quinzaine à Santiago
Nous avons ensuite marché jusqu’à Muxia aller et retour à Santiago
En mars 2016, nous aurons 69 et 66 ans et nous ferons le chemin depuis Lisbonne
au Portugal en passant à Fatima, Porto , Padron , Santiago
Jeanne
Bonjour Jeanne,
Merci de votre message et félicitations pour votre long chemin depuis la Belgique en 2014. Je sais qu’un accueil pour les pèlerins francophones a été ouvert cette année. Témoigner de votre expérience serait très intéressant. Je souhaite que ce site vous sera utile pour votre chemin 2016 depuis Lisbonne.
Amitiés pèlerines
Fabienne