Jan, le pèlerin d’Anvers

Après la publication de mes premiers articles sur mon chemin de Compostelle 2012 (Via Podiensis et Camino francés) dans le numéro 148 de la revue Globe-Trotters Magazine de l’association ABM(Aventuriers du bout du monde), j’ai proposé au comité de rédaction de l’association une série de portraits de pèlerins de Compostelle dans le cadre du numéro spécial « Sur les Chemins de… » N°150 de juillet-août 2013. 

Après un article intitulé "La magie des chemins de Compostelle" dans le numéro 148, Globe-Trotters Magazine publie dans son numéro 150 une série de portraits de pèlerins rencontrés sur la voie du Puy et le Camino Francés en 2012. Page 1.

Pèlerin d’Anvers. Après un article intitulé « La magie des chemins de Compostelle » dans le numéro 148, Globe-Trotters Magazine publie dans son numéro 150 une série de portraits de pèlerins rencontrés sur la voie du Puy et le Camino Francés en 2012. Page 1.

Je vous ai parlé dans l’article précédent des circonstances de ma rencontre avec Jan, dans l’ascension du col de Roncevaux. Voici, comme promis, l’interview qu’il m’a accordée.

Pèlerin d’Anvers : 2000 kilomètres à pied vers Compostelle

L’idée lui trottait dans la tête depuis sept ans. Il attend la retraite pour concrétiser son projet. Jan a 57 ans. Le flamand d’Anvers s’élance le 2 juillet 2012, du seuil de sa maison, dans un grand périple en solitaire de 2 000 kilomètres vers Saint Jacques de Compostelle. Il s’est entraîné depuis le début de l’année sur 1 400 kilomètres, lestant son sac de bouteilles en plastique remplies de pierres, porte 26 kilos dans son sac à dos, car il a choisi l’autonomie intégrale du camping. Trois mois plus tard, il parvient à destination.

Globe-Trotters Magazine : Qu’est-ce qui t’a donné cette idée ?

Jan : Une émission de télé. Un jeune reporter, caméra sur la tête, effectuait le chemin en hiver. Tous les jours, on montrait pendant une dizaine de minutes les images de son aventure.

“Partir en pèlerinage signifie abandonner pour recevoir et devenir à nouveau un véritable être humain”. En quoi cette phrase t’a-t-elle inspirée dans ta démarche?

Je voulais effectuer une parenthèse dans ma vie pour faire le point. Non sur papier mais dans mon esprit. J’ai eu le privilège d’avoir une famille formidable, une femme douce et délicate, des enfants ayant trouvé leurs voies respectives, une bonne santé, un métier qui me plaisait et la liberté, au sein de ma famille, de m’exprimer et de demeurer moi-même. Je me sentais privilégié, heureux. Je souhaitais m’imprégner profondément de cette sensation, remercier la vie pour ce qu’elle m’avait offert. Un peu comme un contrepoids à l’injustice, la misère et le chagrin de nombre de personnes sur la terre. Santiago représentait la destination mais certainement pas le but du voyage. Non, le but ultime consistait en cette longue route qui me permettrait la rencontre avec…moi-même.

Comment as-tu associé les tiens à cette aventure ?

J’ai dédié ce pèlerinage à ma famille, ma femme et mes enfants, mes amis, par gratitude pour l’affection et la joie qu’ils m’ont données. Chaque jour, je marchais pour une personne en particulier. Ainsi, j’ai consacré l’étape la plus difficile de mon parcours, l’ascension du col de Roncevaux, à ma soeur accidentée. Une autre chose me tenait à coeur : je voulais me libérer de cette petite colère qui tourmentait mon âme, parce que j’ai déçu des gens dans ma vie, et que mon incapacité à transformer cette déception provoquait cette colère. Alors j’espérais que ce chemin ouvrirait ces coeurs pétrifiés et qu’ils m’accorderaient leur pardon.

Comment vois-tu la vie désormais, toi le « pèlerin d’Anvers » ?

Je ne crois pas que cette expérience ait fondamentalement changé ma vie. Cependant, j’ai pris conscience de ma propre valeur, et je n’ai plus besoin de reconnaissance. Cela me met à l’abri des flatteries de personnes peu sincères. J’ai appris que le hasard n’existe pas, qu’une solution se présente toujours lorsque l’on se sent en péril, que les gens que l’on rencontre et apprécie sont toujours plus ou moins un miroir de soi-même, de même que ce qui nous irrite chez les autres. J’ai compris également que relativiser est la meilleure manière d’être heureux.

Propos recueillis par Fabienne Bodan (56)

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